Je me sens toujours un peu stupide à l’heure d’écrire quelque chose sur une des bédés de Michel Rabagliati parce que je me dis seigneur, qu’est-ce que j’ai à dire que quelqu’un a pas déjà dit avant moi? (Étrangement, c’est pas le genre d’idée qui m’assaille quand je prends huit cents trente deux mots pour déblatérer sur un des classiques de la littérature occidentale.) Aussi parce que je sais jamais (je crois que je saurai jamais) comment parler, je sais pas, adéquatement d’une bédé. Mon expérience de lecture est toujours tellement visuelle (…ce qui surprendra personne) que j’ai de la difficulté à la mettre en mots.
BREF. Long (peut-être pas tant que ça) préambule pour dire : voici cette bédé, que j’ai beaucoup aimée, & que beaucoup de gens avant moi ont beaucoup aimé, & dont je parlerai sûrement très imparfaitement (& aussi de façon assez peu concise, comme c’est parti là).
Dans ce septième tome de la série, on retrouve Paul en 1970, à cet âge qui frôle l’adolescence sans tout à fait dépasser l’enfance. Dans les mois qui mènent à la crise d’Octobre, on le suivra dans toute une succession de découvertes – les scouts, la bande dessinée, les filles, la musique, même le théâtre. On plongera aussi, par la bande, dans les tensions familiales qui bercent l’appartement où il grandit, & on suivra la saga du FLQ, rendue à fois plus légère, à cause du regard de Paul, & plus lourde, à cause de notre regard à nous, qui ne peut pas se fermer les yeux devant ce qui va arriver. Mais le récit, en général, a une lenteur naïve qui fait du bien ; un rythme qui donne le temps à l’auteur de nous montrer, par petites touches adroites, le monde qui est celui de Paul, celui qui, plus tard, contribue à faire de lui ce qu’il est.
C’est ce que je retiens le plus du livre : l’impression d’être plongée dans un univers, celui d’un enfant, dont les frontières encore étroites s’élargissent progressivement. Les gens que Paul rencontre, les choses qu’ils lui apprennent, les mondes auxquels ils l’initient, chacun à leur façon – c’est à travers eux que l’intrigue se tisse, pas à pas. Paul au parc, pour moi, c’est donc un peu le récit de ce moment de l’enfance où les parents, & les choses qu’ils nous laissent, commencent à s’effacer au profit de d’autres personnes, adultes ou pas, qui nous aident à nous forger. & tout ça enrobé dans un dessin qui réussit à surprendre sans jamais arrêter d’être réconfortant, parsemé de détails qu’on aime tracer du bout des doigts, en souriant.
& pour la fin… La description du livre sur le site de la Pastèque mentionne que « le drame ne vient pas toujours d’où l’on pense » &, euhm, ce serait difficile de mieux résumer, sans en dire trop, les dernières pages de Paul au parc. La tragédie frappe abruptement, l’émotion aussi ; si ça m’a tout d’abord semblé un peu soudain, je me suis rappelée que la vie est toute pleine de ces choses, bonnes ou mauvaises, qui sortent de nulle part & qui chambardent tout. (Mais j’ai encore ce petit espadrille à quatre lignes en travers de la gorge.)
C’est pas mon préféré des Paul &, à part ce coup qui frappe à la fin, il faut dire que l’ensemble est à peu près dénué de rebondissements – mais ça reste doux-amer, & maîtrisé, & drôle, & ben ben ben bon.