« Tant de choses survenaient dont la réalité me semblait sujette à caution. »
Cette toute petite phrase résume bien l’ambiance dans laquelle nous plonge ce livre : une atmosphère étrange, inquiétante ; une brume d’incompréhension ; des mots qui donnent l’impression d’en occulter d’autres, plus vrais, plus dangereux.
Je crois que c’est la première fois que je lis un auteur sud-coréen, & tout au long de ma lecture j’ai pas pu m’empêcher de penser à Old Boy, un des films sud-coréens les plus troublants que j’aie jamais vus : même climat de secrets enfouis, même recherche presque désespérée de signification, même impression d’avoir affaire à une réalité fugace, changeante, ponctuée de situations tordues qui réussissent à s’ancrer profondément dans le quotidien des personnages. (Pour ceux qui auraient vu Old Boy, cependant, je peux vous rassurer tout de suite en vous disant qu’il n’y a ni inceste, ni langues arrachées dans ce livre-ci.) C’est un récit dont je suis restée un peu détachée, comme mise à l’écart par cette ambiance inquiétante qui émane des pages. Des phrases simples, des personnages qui ne révèlent pas grand-chose d’eux-mêmes. & des événements peut-être pas foncièrement abracadabrants, mais toujours au moins vaguement insolites, qui se succèdent de façon inéluctable mais aléatoire, si c’est possible.
C’est difficile de résumer cette histoire, mais disons que c’est celle de Kihyon, le narrateur, dont le grand frère a perdu les deux jambes suite à un passage dans l’armée. Engagé par un inconnu pour espionner sa propre mère, Kihyon verra d’étranges choses qui, à leur tour, le mèneront tout droit vers de tortueux secrets de famille. Autour de lui, plusieurs personnes : son frère, qui fait périodiquement des crises troublantes ; sa mère, discrète, efficace, très secrète ; son père, qui passe ses jours à murmurer de jolies choses aux plantes dont il s’occupe; l’ancienne copine de son frère, dont Kihyon est amoureux, & qui refait surface dans (quoi d’autre ?) d’étranges circonstances. Sur le ton de la confession, mais aussi un peu sur celui du détective amateur qui creuse pour espérer découvrir le fin fond de l’histoire, le narrateur nous entraîne dans un récit où s’entremêlent la tendresse, la culpabilité & la nostalgie, la violence aussi. Une violence particulière qui inquiète longtemps.
C’est un roman qui a quelque chose d’elliptique. Tout est dit à demi-mot, tout est à moitié deviné. Expérience étrange & pas toujours satisfaisante, du moins pas pour moi.
coeur de camomille 